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La 404 ralentit en entrant à la Malmaison, puis s’engagea sur la droite entre deux
grands piliers de pierre, et remonta une magnifique allée de platanes centenaires. Au
bout, les phares éclairèrent une belle maison de maître, style 1900.
A
Quelque chose, ici, évoque l’entrée de Vert-Mont, dissimulé aux regards,
discret malgré son étendue, sans ostentation. Le domaine garde toujours son
secret et le patient travail de Sylvie Gousset et d’Arnaud Berthonnet rassemble
les fils d’une histoire qui côtoie souvent la grande Histoire et où s’entrelacent les
vies de personnalités hors du commun. À la différence de bien des domaines,
Vert-Mont n’est pas le fief originel d’une grande famille, mais une construction
progressive, et sa chronique qui nous est rapportée ici, dévoile bien plutôt de
larges pans de l’histoire sociale et intellectuelle sur près de deux siècles.
Sur l’emprise du domaine de Joséphine, se suivent, et longtemps cohabitent,
des cultivateurs et des vignerons, la grande bourgeoisie d’affaires liée au
développement du chemin de fer, les banquiers, les intellectuels, les négociants
habiles et opulents. Tous vont contribuer à façonner un lieu, à le libérer de ses
servitudes, à remodeler son relief, à aménager ses eaux vives. Et il est frappant
de constater que, entre des mains aussi diverses que celles des Rodrigues-
Henriques, des Eichthal, des Delacroix, des Tuck, qui ont, en apparence,
peu de choses en commun, Vert-Mont se construise comme un projet
remarquablement homogène.
Mais au-delà de la cohérence d’un paysage, une profonde cohérence
intellectuelle et humaniste réunit les propriétaires successifs de Vert-Mont :
de Gustave d’Eichthal, saint-simonien, ayant la passion du bien public et
celle de la science, jusqu’à Edward et Julia Tuck, mécènes et philanthropes,
et à Madeleine Eristov, ma mère, non moins idéaliste que ses prédécesseurs,
une même foi en l’humanité est à l’œuvre. L’harmonie de Vert-Mont en est
l’émanation.
Hélène Eristov
Vice-président fondateur de la Fondation Tuck,
représentant des donateurs de la propriété de Vert-Mont
Le génie du lieu
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A James H. Chase, La blonde de Pékin, 1966 (Gallimard, 1988 p. 88). Or l’auteur a servi dans la RAF pendant la dernière guerre.