SOUS LA III
e
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE, LES COOPÉRATIVES
ÉCLOSENT EN GRAND NOMBRE :
des coopératives de production
mais surtout des coopératives de consommation qui comptent
800 000 sociétaires avant 1914. En 1884, 29 associations ouvrières
de production créent la Chambre consultative des associations
ouvrières de production qui deviendra en 1937 la Confédération
générale des sociétés coopératives ouvrières de production
(SCOP). Pour la première fois, le mouvement des coopératives
s’organise en France avec le soutien des socialistes modérés et
des républicains. En 1895, L'Alliance coopérative internationale
est fondée, elle devient l’étendard du mouvement coopératif.
C’est l’époque où
Charles Gide
(1847-1932),
dirigeant historique du mouvement coopératif
français et théoricien de l'économie sociale,
réfléchit à une voie entre libéralisme et toute-
puissance de l’État. Pour lui, la solidarité est
le principe alors que la coopération et l’asso-
ciation sont les moyens.
À l’issue de la Grande Guerre, la coopération
va connaître une extension géographique
considérable. Dans la profusion des coopéra-
tives qui se développent alors, quatre grandes
catégories ressortent :
n
les coopératives de consommation ;
n
les coopératives d’habitation ;
n
les coopératives ouvrières de production ;
n
les coopératives agricoles, de crédit,
d’approvisionnement, d’écoulement
et autres services.
À partir de 1880, les syndicats et les coopératives
agricoles se développent en France, sur fond
de dépression économique
Hormis la communauté auvergnate des Quittard-Pinon, l’un
des premiers exemples de groupement coopératif agricole
d’ampleur connu en France est celui des “fruitières” à comté, au
XIII
e
siècle. Des paysans jurassiens et francs-comtois s’associent
et mettent en commun leur lait pour fabriquer des meules de
fromage au sein de ces fruitières. Ces éleveurs de montagne, qui
ont besoin d'un fromage se conservant longtemps, décident
d’élaborer de très grandes meules, nécessitant jusqu'à 500 litres
de lait. Comme leurs fermes sont trop petites, ils s'associent
sur le mode coopératif pour produire. Les meules de
fromage leur sont ensuite attribuées au prorata de leur contri-
bution laitière. Il faudra attendre le tout début du XIX
e
siècle
pour que d’autres fruitières à fromage calquant ce modèle
apparaissent en Savoie.
C’est le moment où les institutions communautaires
tendent à disparaître sous la double influence de la loi Le Cha-
pelier (14 juin 1791) – qui supprime les corporations, ces corps
intermédiaires économiques – et du Code civil (1804) qui établit
la propriété individuelle. Dans ce nouveau cadre marqué par
la primauté de la liberté individuelle, les paysans vont vivre
en presque totale autarcie jusqu’à la fin du XIX
e
siècle.
Première partie
Le temps des fondateurs (1945-1961)
Chapitre 1 -
Coopération et coopératives
Aux racines d’InVivo de 1945 à nos jours #
12/13
Charles Gide,
fils spirituel des socialistes
utopistes et penseur
de la solidarité
Né le 29 juin 1847 à Uzès (Gard)
dans une famille protestante,
ce fils de magistrat soutient sa
thèse sur “Le droit d’association
en matière religieuse” devant la
faculté de droit de Paris en 1872.
Professeur d’économie sociale
à Bordeaux, il y fait un cours sur
le droit des associations et le droit
de réunion. Il rejoint le mouvement
coopératif et lui inspire la doctrine
qui donne naissance à l’École de
Nîmes, baptisée ainsi en opposition
à l’École de Manchester (libérale).
En 1924-1925, l’économiste
présente au Collège de France
un cours sur les associations
coopératives agricoles.
En 1937,
les statistiques du Bureau international du travail (BIT)
recensent
810 000
coopératives réparties dans
103
pays et groupant
143
millions de membres ! Parmi elles,
83%
sont des coopératives
agricoles, implantées principalement en Inde et en URSS.
L’idée de JulesTanviray :
un syndicat d’achat en commun
pour lutter contre les fraudes
et les intermédiaires
1883.Pour faire face à la fraude grandissante dans le com-
merce des engrais, les paysans n’ont ni les compétences
ni les moyens.En groupant leurs commandes,ils peuvent
d’une part négocier les meilleurs prix et, d’autre part,
soumettre pour une somme modique des échantillons à
l’analyse de laboratoires indépendants et ainsi choisir les
meilleurs engrais. Si ce syndicat d’achat reste un inter-
médiaire qui ne se substitue aucunement à l’agriculteur,
en revanche il contrôle la qualité des produits.
Six mois après sa création,le syndicat des agriculteurs du
Loir-et-Cher compte 315 adhérents dans 80 communes.
Il donnera naissance à la coopérative La Franciade (membre
fondateur de l'UNCAA et de l'UNCAC), une des compo-
santes de l’actuel groupe coopératif Axéréal, sociétaire
d’InVivo.
IL FAUT ATTENDRE LES ANNÉES 1880 POURVOIR RENAÎTRE
DANS L’AGRICULTURE FRANÇAISE LE MOUVEMENT ASSOCIATIF.
Les raisons de ce renouveau sont à la fois d’ordre technique, éco-
nomique et social. La loi Waldeck-Rousseau du 21 mars 1884
autorisant les syndicats professionnels en constitue la cellule
de base. Déjà, l’année précédente, le 7 juillet 1883, le premier
syndicat agricole a été créé par le professeur départemental
d’agriculture du Loir-et-Cher Jules Tanviray : il s’agit du premier
“syndicat d’achat en commun” de certains intrants, précurseur
de la coopérative d’approvisionnement qui se développera
quarante ans plus tard. Dans son sillage, d’autres syndicats
d’achats en commun voient le jour. En 1890, il existe déjà
648 syndicats agricoles regroupant 234 000 membres. En 1900,
ils sont 2 069 comprenant 512 000 membres.
Pendant ce temps, Jules Méline (1838-1925) inaugure
une politique protectionniste visant à préserver le pays de la
concurrence internationale. La loi du 11 janvier 1892 imaginée
par ce défenseur de la cause agricole, futur président du Conseil
et ministre de l’Agriculture de son propre gouvernement (1896-
1898), va faire de l’agriculture française une activité dépendante,
voire assistée, pour longtemps. Cette politique de protection,
poursuivie par tous les gouvernements de la III
e
République,
retardera la modernisation de l'agriculture française. Les thèses
“mélinistes” préconisent aussi le “retour à la terre”, titre de l’un
de ses livres publié en 1905.
Face à des évolutions socio-économiques importantes,
le monde vit alors une première mondialisation des échanges.
La masse des agriculteurs constitue une sorte de “clientèle” qui
remet son sort entre les mains des notables, eux-mêmes sollicités
par les partis politiques. Deux grandes tendances politiques –
droite d’inspiration chrétienne et conservatrice (blancs) et
gauche républicaine et radicale-socialiste (rouges) – se disputent
alors les voix et l’influence d’une paysannerie dominante
en nombre dans la société, mais vivant encore très traditionnel-
lement. Ce bipolarisme politique, social et confessionnel va
marquer profondément l’histoire des associations syndicales
et des coopératives agricoles.
1892,
La loi du 11 janvier 1892, restée dans l’histoire sous le nom de “tarifs Méline”, vise à protéger la
France de la concurrence internationale, notamment de l’importation des céréales nord-américaines
à meilleur marché. Elle soumet les produits étrangers à un tarif général maximal, en l'absence de
convention particulière, et à un tarif minimal réservé aux pays signataires d'une convention. Cette loi
a pour effet de protéger à l’excès l’agriculture française qui devient dépendante, moins dynamique,
voire assistée. L’Allemagne réagit de la même manière. Les Britanniques maintiennent leur politique
de libre-échange tandis que les Danois et les Néerlandais s’adaptent à la situation en modernisant
leur agriculture.
Jules Méline opte pour
le protectionnisme douanier
Ce républicain de la droite modérée
institue l'ordre du Mérite agricole
en 1883.
La création des coopératives répond souvent aux crises agricoles graves et permet la reconversion,
comme en Charente, lorsque le phylloxéra détruit le vignoble en 1890.
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