En conclusion du colloque international de l’Unesco, Jack
Lequertier propose un plan d'organisation mondiale du marché
des céréales et de l'aide alimentaire dont il a confié la rédaction
à un jeune ingénieur récemment embauché, Bruno Catton.
Il imagine la création d’un organisme international qui dispo-
sera de fonds importants pour acquérir les excédents et les
redistribuer, sous forme non de dons mais de paiements à long
terme. Il préconise la création d'un Office mondial d'interven-
tion et de stocks régulateurs et d’un Conseil international des
céréales. Cette proposition audacieuse se heurte aux prémices
de la mondialisation appliquée pour la première fois à l'agri-
culture lors du
Kennedy Round
de 1964-1967 dans le cadre du
GATT (General Agreement on Tariffs and Trade), qui deviendra
le 1
er
janvier 1995 l'OMC (Organisation mondiale du com-
merce). Jamais réalisée mais toujours d’actualité, la création
d'un Office mondial des céréales a encore été évoquée au
G20 de novembre 2011 à Cannes !
“L'AMÉLIORATION DES PLANTES CONTRE LA FAIMDANS LE
MONDE”
tel est le thème de la manifestation internationale que
l’UNCAC organise dans la salle de l'Unesco à Paris les 17 et
18 mai 1966. Ce grand colloque illustre parfaitement l’ambition
de l’UNCAC et la capacité de Jack Lequertier à mobiliser
sur les sujets de prospective économique auxquels il croit. La
présidence est assurée par Josué de Castro (1908-1973),
un médecin brésilien expert en nutrition, écrivain et homme
politique, ancien président du conseil exécutif de la FAO (Food
and Agriculture Organization of the United Nations), auteur d’un
livre prémonitoire,
La Géopolitique de la faim
(édition française,
1951). Selon l’expert, la faim résulte d’une causalité
politique : “Peu de phénomènes ont influé aussi intensément
sur le comportement politique des peuples que le phénomène
alimentaire et la tragique nécessité de manger”.
En invitant les plus grands spécialistes internationaux de la
génétique appliquée aux blé, maïs, orge, riz, etc. à se rencontrer
pour dresser un bilan général des connaissances acquises et
des perspectives d’avenir dans ce domaine, l’UNCAC cherche
à mettre en évidence tout ce que doivent apporter la science et
la coopération technique entre pays traditionnellement gros pro-
ducteurs de céréales et pays en voie de développement, là où
la production reste encore très insuffisante. Preuve de son inves-
tissement dans ce domaine, l’UNCAC a été à l’initiative en 1965
de la création toute symbolique d’un Pool technique européen
qui avait vocation à favoriser les échanges dematériel génétique.
Depuis 1953, l’UNCAC
organise ses Journées nationales
techniques, un rendez-vous
annuel destiné aux coopératives
adhérentes. L’édition de 1966
est exceptionnelle par son thème
– le rôle joué par la recherche
fondamentale dans l’amélioration
des principales espèces de
céréales et son rôle indirect pour
lutter contre la faim – comme
par son ouverture internationale.
Elle remporte un grand succès
et mobilise un grand nombre
d’organismes nationaux
et étrangers.
Le Monde dans un article de 1967
revient sur le rôle central que doivent jouer
les coopératives de céréales dans la mise
en place d’un plan global d’aide alimentaire
aux pays du “tiers-monde”, expression
lancée par l'économiste et démographe
français Alfred Sauvy en 1952 pour définir
les pays en voie de développement.
Chapitre 5 -
L’UNCAC change d’échelle
Deuxième partie
Le temps de l’expansion (1962-1990)
Aux racines d’InVivo de 1945 à nos jours #
72/73
L’alimentation dans le monde
en 1966
(Source : FAO)
n
On estime alors que 20%de la population des pays en
voie de développement souffrent de sous-alimentation
chronique et que 60% souffrent de malnutrition due
au déséquilibre trop marqué d’une ration alimentaire
carencée en certains acides aminés et en vitamines.
n
30% des humains disposent de 80% du revenu mondial
et consomment 60%des produits alimentaires récoltés.
n
La sous-alimentation affectait 26%de la population
mondiale en 1969-1971 (878 millions de personnes)
et 13%en 2006-2008 (850 millions de personnes).
Entre ces deux dates,la populationmondiale a doublé,
passant de 3 à 6 milliards d’habitants.
En 1966, 20 ans
avant la création
du MATIF en France,
Union Agriculture
,
la revue de l’UNCAC pose la question suivante :
“Peut-il y avoir un marché à terme
des céréales en Europe ?”
p://www.invivo-group.com/
nexes/auxracines/4-journeesuncac1966.pdf
“L’amélioration des
plantes contre la faim
dans le monde”,
un document
de prospective
économique réellement
précurseur, publié
lors des Journées
internationales
organisées par
l’UNCAC à Paris
en mai 1966.